Maître Genonceau
Avocat au Havre

Droit de l'assistance éducative à Caen

L'ASSISTANCE ÉDUCATIVE : OBJECTIFS ET PROCÉDURE

1. Objectifs

Une procédure d'assistance éducative consiste pour l'autorité judiciaire à intervenir pour assurer la protection de mineurs qu'elle juge en danger.

Lorsque des risques sont identifiés concernant la santé, la moralité ou la sécurité d'un enfant, un Juge spécialisé – le Juge des enfants – peut être saisi par des tiers, des professionnels du milieu infantile ou encore le Parquet afin d’investiguer et de statuer sur l’opportunité ou non d’ordonner un suivi éducatif au sein de la cellule familiale. Dans les situations les plus préoccupantes, un placement de l'enfant peut être ordonné.

Les risques susceptibles d’attenter à l’intérêt d’un enfant peuvent découler d’actes de maltraitance (violences physiques ou psychologiques, graves négligences), d’un désintéressement du ou des parents vis-à-vis de leur enfant, de la mise en danger de l’enfant par le mineur lui-même, ou de l'incapacité matérielle ou financière des parents de prendre en charge ses besoins essentiels.

L'ASSISTANCE ÉDUCATIVE : OBJECTIFS ET PROCÉDURE
2. Une ingérence contrôlée dans la vie familiale

2. Une ingérence contrôlée dans la vie familiale

Cette procédure suppose l’immixtion du juge et des services éducatifs dans la vie privée et familiale ; elle est donc particulièrement encadrée par la loi.

D’abord, la loi n’autorise que certaines personnes à saisir le Juge des enfants : le procureur de la République, un des parents, toute personne à qui l’enfant a été confié, le tuteur de l’enfant ou le mineur lui-même.

Ensuite, la personne qui entend saisir le Juge des enfants doit démontrer soit l’existence d’un danger réel et actuel pour le mineur, soit que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises.

3. L'intervention d'un magistrat spécialisé : le Juge des enfants

Dans le cas où la requête au Juge des enfants est recevable, une audience se tient devant le Juge des enfants en présence du mineur, le cas échéant de son tuteur, de ses parents, des services éducatifs compétents au niveau local et qui ont été chargés d’investiguer sur la situation familiale, et d’un représentant du département – collectivité désignée par la loi pour assurer la protection des mineurs. Le mineur est entendu s’il est capable de discernement.

Le point de savoir si un mineur dispose du discernement nécessaire pour être entendu par un Juge dépend notamment de son âge et de ses capacités intellectuelles.

Si le Juge des enfants estime qu’un danger existe, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées. Elles peuvent aller d’un soutien matériel (visites et entretiens avec des services spécialisés) au placement de l’enfant dans une famille d’accueil, un foyer ou un établissement spécialisé.

Le placement d’un enfant constitue une mesure exceptionnelle prise en dernier ressort. L’objectif d’un placement est de soustraire le mineur au danger auquel il s’expose, et d’accompagner les parents pour prévenir le risque de survenance d’un nouveau danger afin de permettre au mineur de réinvestir la cellule familiale en toute sérénité et sécurité.

Les mesures d’assistance éducative sont par principe temporaires ; elles peuvent être prononcées pour une durée de six mois ou plus.

Tous les six mois, un an ou deux ans, le Juge ordonnera le renouvellement de la mesure tant que ce danger perdurera.

A contrario, en considération de l’état de santé du mineur et de la situation matérielle et financière des parents, et après avis des services éducatifs, le Juge pourra ordonner la clôture de la procédure s’il estime que le danger n’existe pas ou plus.

LES ÉTAPES DE LA PROCÉDURE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE

Les principales étapes de la procédure consistent en :

  • un signalement ;
  • l’ouverture de la procédure d’assistance éducative ;
  • l’audition des parents et de l’enfant ;
  • des mesures provisoires ;
  • des mesures éducatives judiciaires ;
  • l’éventuelle clôture de la procédure.

1. Signalement

En général, une procédure d’assistance éducative est ouverte par le Juge des enfants à la suite d’un signalement qui lui est directement adressé ou qui lui est transmis par le parquet.

Le signalement consiste pour des tiers (proches de la famille, inconnus), des professionnels du milieu infantile (professeurs d’école, soignants, médecins…), voire un des deux parents, à alerter les services sociaux ou l’autorité judiciaire sur un risque encouru par un enfant – que ce risque émane ou non des parents.

Ce signalement ne fait pas nécessairement état de maltraitances avérées ; il peut s’agir d’une remontée d’informations selon laquelle :

  • les parents ont refusé le soutien administratif qui leur était proposé,
  • les parents sont en incapacité de soustraire leur enfant au danger existant,
  • les mesures administratives se révèlent insuffisantes pour aider la famille,
  • ces mesures sont mises en échec par les parents.
  • Il existe un conflit entre les parents sur la manière de réagir au problème rencontré par leur enfant de telle sorte que la justice doit trancher sur la meilleure façon de protéger le mineur.
1. Signalement
2. Ouverture de l’instruction

2. Ouverture de l’instruction

Dans tous ces cas, l’intervention du Juge des enfants pourra se révéler nécessaire.

Cette intervention se caractérise par l’ouverture d’une procédure d’assistance éducative qui donnera généralement lieu à une enquête sociale menée par des professionnels spécialisés (entretien avec l’enfant et les parents, visites domiciliaires ou à l’école…).

3. Audition de l’enfant et des parents

Le Juge des enfants peut convoquer l’enfant, si son âge le permet, ainsi que les parents ou représentants légaux. L’objectif est de recueillir leurs témoignages, leur ressenti et d’examiner la situation familiale avant de rendre une décision.

4. Mesures provisoires

Si le juge estime que la situation présente un danger immédiat pour l’enfant, il peut prendre des mesures provisoires, telles que :

Le placement provisoire de l’enfant hors du domicile familial, dans une famille d’accueil ou un établissement. Toutefois, sauf à ce que le procureur de la République ait ordonné le placement provisoire de l’enfant en urgence, il est rare que le Juge des enfants ordonne le placement de l’enfant dès l’ouverture de la procédure.

Confier provisoirement l’enfant au parent qui n’en a habituellement pas la garde ou à un tiers digne de confiance.

La mise en place d’un suivi éducatif au service ou au parent à qui l’enfant est provisoirement confié, souvent sous forme d’un accompagnement par un service spécialisé, avec des visites régulières à domicile, afin d'apporter aide et conseil à la famille et de suivre le développement de l’enfant.

Des mesures de protection en lien avec des soins médicaux ou psychologiques.

5. Évaluation de la situation

Après l’enquête sociale et les premières auditions, le juge des enfants peut décider, en fonction des éléments collectés, de prendre d’autres mesures qui peuvent être plus ou moins contraignantes pour les parents, mais toujours dans le but de protéger l’enfant.

Si au contraire le Juge des enfants estime qu’aucun danger avéré et / ou actuel n’existe pour l’enfant, il ordonnera un non-lieu à assistance éducative.

6. Mesures éducatives

Le juge peut ordonner diverses mesures éducatives :

Suivi éducatif à domicile

Le juge peut décider de laisser l’enfant à son domicile tout en ordonnant un suivi éducatif, avec des visites régulières d’éducateurs ou de travailleurs sociaux. Ce suivi peut être plus ou moins renforcé en fonction de la situation et des besoins des parents ou de l’enfant.

Accompagnement parental

Des mesures d’aide à la parentalité peuvent être mises en place pour soutenir les parents dans leur rôle éducatif (psychologues, médiation familiale, soutien éducatif et matériel).

Placement de l’enfant

Si le juge considère que l’enfant ne peut être maintenu dans son milieu familial en raison d’un danger immédiat ou d’une situation de négligence grave, il peut ordonner un placement en famille d’accueil, dans un foyer ou dans un établissement spécialisé.

À noter qu'en cas d’urgence une procédure plus rapide peut être initiée par le procureur de la République ou le Juge des enfants pour placer provisoirement l’enfant en dehors de son lieu de résidence habituel, afin de le soustraire au danger actuel ou imminent auquel il s’expose. À cette occasion et exceptionnellement, l'autorité judiciaire peut ordonner le placement de l'enfant sans entendre préalablement les parties.

7. Durée et suivi

La procédure peut durer plusieurs mois voire années. Elle est suivie par le juge des enfants, qui peut adapter les mesures au fur et à mesure de l’évolution de la situation, en fonction des progrès réalisés par l’enfant et sa famille ou si de nouveaux éléments apparaissent.

La famille peut faire appel des décisions, mais l’objectif reste toujours de protéger l’enfant tout en respectant les droits des parents.

8. Clôture de la procédure

La procédure judiciaire d'assistance éducative prend fin lorsque le juge estime que la situation est suffisamment stable, que les mesures prises ont permis à l’enfant de grandir dans de bonnes conditions, et que les parents ont retrouvé une capacité à assumer leur rôle éducatif. Cela peut se traduire par un retour de l’enfant dans son foyer ou la clôture de l’accompagnement éducatif s’il n’est plus jugé nécessaire.

La procédure est automatiquement clôturée lorsque l’enfant devient majeur.

7. Durée et suivi

L’AVOCAT : ACTEUR ESSENTIEL DE LA PROCÉDURE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE

L’avocat est un acteur essentiel de la procédure d’assistance éducative et un soutien indispensable pour le mineur ou ses parents.

Il présente les arguments utiles à la défense de ses clients et agit dans leur intérêt en usant de toutes les voies de droit opportunes, notamment lorsqu’un placement est manifestement abusif (danger non avéré et / ou non actuel) ou lorsque la famille fait l’objet de mesures éducatives manifestement disproportionnées ou inadaptées.

1. L'avocat du mineur

L’avocat se fera porte-parole de son client mineur et agira conformément aux demandes de l’enfant, quitte à s’opposer aux demandes des parents.

Cette assistance est d’autant plus nécessaire que le mineur aura généralement des difficultés à prendre du recul et à objectiver sa situation ; certains mineurs peuvent également être exposés à l’influence de leurs parents ou de proches.

Si le mineur ne dispose pas du discernement nécessaire pour être entendu, l’avocat agira en considération de son intérêt supérieur.

1. L'avocat du mineur
2. L'avocat du ou des parents

2. L'avocat du ou des parents

L'avocat mandaté par le ou les parents conseillera utilement ces derniers sur la légitimité de la procédure, les mesures susceptibles d’être ordonnées, les éventuels actes à solliciter ou les voies de recours qui s’offrent à eux pour préserver leurs droits.

L’avocat est un auxiliaire de justice indispensable à la bonne compréhension par les parents des enjeux afférents à la procédure d’assistance éducative.

En outre, il se révèle bien souvent un soutien précieux lorsqu’il s’agit d’instaurer une communication plus apaisée entre les parents et les services éducatifs ou d’alerter le Juge des enfants sur d’éventuelles défaillances de ces derniers.

Par ailleurs, l’avocat peut utilement informer les parents quant au contenu des notes et rapports éducatifs transmis au Juge ; en effet, certaines pièces de la procédure d’assistance éducative, jugées sensibles, ne sont pas directement communicables aux parents.

En résumé

L'assistance éducative est une procédure mise en place pour protéger les enfants en situation de danger ou de maltraitance. Elle consiste pour un juge spécialisé à prendre des mesures adaptées qui visent à concilier la protection de l’enfant et le droit à la vie privée et familiale, tout en aidant les parents à investir du mieux possible leur parentalité et à étendre leurs capacités éducatives. Elle peut impliquer des mesures de placement, d’accompagnement éducatif ou d’aide à la parentalité, et est régulièrement réévaluée par le juge des enfants.

À chaque étape de la procédure, le Juge des enfants comme les auxiliaires de justice (avocats, services éducatifs) sont tenus d’agir conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, de sorte que toute autre considération est secondaire : la protection de l’enfant guide avant tout la décision du Juge.

Cependant, à la différence d’une procédure pénale mettant en cause des parents pour des faits de maltraitance ou de négligence à l’encontre de leur enfant, la procédure d’assistance éducative n’est pas nécessairement dirigée contre les parents ; elle a avant tout vocation à apporter un soutien aux familles.

 

Références :

-Articles 375 et s. du Code civil.

-Articles 1181 et s. du Code de procédure civile.

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